Isle Madame
Nouvelle-Écosse, du 01 Juin au 15 Juin 2002
Sommaire :
- De l'île Madame à l'Isle Madame
- Ça c'est chez nous …
- Apprendre et vivre en Français
- Nutmn nipukt ?
- Une ancre pour la culture Acadienne
- L'étrange histoire de Gosnet
- La sensibilité Acadienne en couleur
- Les sobritchais ou sobriquets
- Cuisine d'icite : le fricot de poule et poutine
- Une bouffée d'air pur dans une nature protégée
- La note de lolotte
On ne peut s'y rendre qu'à marée basse et seules 3 ou 4 personnes vivent sur cette petite île située à l'embouchure de la Charente près de Rochefort, notre lieu de départ en France.
Depuis il y eu beaucoup de miles et de confrontations avec l'océan et avec nous-mêmes. Le capitaine, Arthur et Georges nos vaillants équipiers étaient tout aussi ébahis que nos glorieux prédécesseurs de toucher l'Acadie, cette terre promise et ardemment souhaitée après 25 jours de mer.
C'est avec Françoise, venue me rejoindre, que nous avons abordé l'Isle Madame située sur la pointe sud du cap breton en Nouvelle-Écosse.
Dissimulés par la brume, nous tentions une entrée discrète dans le havre d' Arichat , était-ce l'atavisme d'une communauté de marins toujours de quart ( période de travail /surveillance en mer )
Toujours est-il que nous fûmes rapidement découverts et prestement pris en charge, vague d'amitié dans laquelle nous avons sombré avec plaisir !
L'Isle Madame c'est 11 km sur 16 de bois, lacs, et havres parfaitement abrités pour les bateaux.
C'est aussi 4300 habitants dont la moitié sont Acadiens , occupant une douzaine de hameaux et quatre villages aux noms chantants : d'Escousse, Martinique, Petit-de-Grat …( photo "martinique")Petit de Grat a connu une relative prospérité basée principalement sur la morue jusqu'aux années 1980 où le poisson se fit de plus en plus rare puis interdit par le moratoire imposé par l'état fédéral pour recréer une population malheureusement encore absente à ce jour.
67 familles acadiennes peupleront l'île après le traité d'Utrecht (prise de l'actuelle Nouvelle-Ecosse par les Anglais) en 1713 et y pratiquèrent la pêche et le commerce côtier avec la forteresse de Louisbourg, le havre d'Arichat étant alors une escale importante dans le parcours France - Antilles - Acadie .(photo ancienne)
Aujourd'hui encore, les familles Babin, Bonin, Boudreau, Doré, Forgeron, Fougère, Landry, Poirier, Lavandier, LeBlanc, Monbourquette, Samson, Thibault, Thériault y perpétuent les coutumes et le parler Acadien .
Dès la moitié du 19ème siècle la construction d'un pont, d' un chemin de fer sur l'île du Cap-Breton et l'avènement de la vapeur suppriment les transits de bateaux et toute l'économie s'y rattachant.
La vieille forge d'Arichat est aujourd'hui un des derniers témoignages vivant et visible de cette période florissante.
Les Acadiens sont alors touchés de plein fouet par cette crise et l'assimilation vers l'anglais gagne du terrain : mais des obstacles et des difficultés ils en ont vu d'autres !
Une poignée d'irréductibles, bousculent l'apathie et l'indifférence du gouvernement par des projets capitaux pour la sauvegarde de la culture et du "parler" Acadien.
La richesse et la vie qu'engendre la diversité auront raison de l'ennui profond d'une société renfermée sur une seule culture : l'île aura enfin une école entièrement francophone, un centre culturel Acadien et un centre de formation et d'aide aux entreprises .
Apprendre et vivre en Français
Pour écouter
Sous la direction de Léo Landry, l' école de Beau-Port à Arichat est une source de vitalité, celle qui découle de la transcendance d'une communauté en danger, des enseignants qui y croient, des élèves motivés. Un équipement technologique de pointe et une ambiance "grande famille "donnent aux jeunes les outils de la créativité et du bon sens. Autant de belles promesses pour la qualité de vie et l'avenir économique de l'île (photo " une jasette animée avec les élèves de Beau-Port"). ![]()
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Nutmn nipukt ? ( Entends-tu la forêt ?)
Micmacs et Acadiens ont depuis toujours des rapports privilégiés. Pendant le "grand dérangement" les autochtones ont sauvé et accueilli un grand nombre d'Acadiens fuyant la déportation Anglaise .
De cette complicité sont nés de beaux enfants Micmacs/Acadiens et vice versa.
Aujourd'hui encore les deux communautés s'entendent pour défendre leur statut de minorité en Nouvelle-Écosse.
Le chef Mi'kmaw, Linsay Marshall, a eu la gentillesse de nous confier un trésor de sagesse. S'il y proclame avant tout la philosophie de son peuple, nous y trouverons de subtiles allusions à une certaine société dont le profit pourrait être "les yeux brillants".
Kluskap et Mi’kmaw
(Kluskap :l’esprit)
(Mi’kmaw : un autochtone)
(Il : l’homme blanc ou …)
Kluskap :
Qui es-tu et que fais-tu ici?
Entends-tu la forêt?
Elle dit : " Viens vers moi et assieds-toi. "Mi’kmaw :
Je m’assieds ici mais je n’entends pas.
J’ai oublié.
J’entends celui qui a les yeux brillants
Il me dit : " Cours vers moi. "Kluskap :
Ne l’écoute pas, écoute-moi.
Il te veut pour des motifs trompeurs.
Il te volera ta langue, ta terre
Même là où reposent tes ancêtres.Mi’kmaw :
Il veut peu de choses :
Un castor, deux poissons, trois oies.
Quand il les aura
Il sera satisfait et nous quittera.Kluskap :
Écoute attentivement.
Le castor se cachera de tout homme.
Le poisson ne sera plus.
L’oie ne reviendra plus.
Il te prendra ta terre.
Et tu ne pourras pas dire un mot
Car il aura pris ta langue.
Il sera ici pour toujours.Chef Mi’kmaw Lindsay Marshall, auteur
Traduction en français par Louise Marchand, professeur, Ecole acadienne Beau-Port
et par Janine Lacroix, directrice générale, Centre LA PICASSE, Petit-de-Grat.Une ancre pour la culture Acadienne
La Picasse est une ancre faite avec les moyens du bord : deux pièces de bois pour le grappin, un caillou ovale pour le poids, quelques languettes de bois câblées pour retenir la pierre et de l'huile de coude pour assembler le tout.
Pour Janine Lacroix, la capitaine du centre "La Picasse" , cet établissement représente la convergence de trois éléments : les projets éducatifs, le renforcement linguistique et culturel et la diversification économique. Elle ajoute que les initiatives de développement du centre visent à revitaliser l'économie insulaire et rehausser la qualité de vie de ses habitants.
L'aile gauche de ce beau bâtiment est occupée par le "collège de l'Acadie" : centre d'études post secondaire et formation pour adultes dans le "parler d'icit". Son directeur, Gabriel LeBlanc est aussi un des personnages clef des traditions de l'Isle Madame.
Ce soir Gabriel LeBlanc nous invite
au coin du feu et nous raconte :"L'étrange histoire de Gosnet"
(faire le bruit du vent en lisant )
Cliquer pour un petit bout d´histoire à écouter![]()
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C'est une histoire folklorique des Acadiens de l'Isle Madame et en particulier du Petit de Grat.
C'est arrivé il y a environ 4 générations de cela et puis c'est arrivé sur la côte du Gros Nez dans une petite anse lorsqu' Edouard Boudreau et sa femme habitaient cette petite anse là.
C'était au mois de janvier en pleine tempête de neige de vent d'est : une tempête incroyable qui vraiment n' intéressait personne de fréquenter à l'extérieur.
Vers 3 heures le matin ils ont entendu quelque chose qui a frappé à la porte ça fait que Monsieur Edouard s'est levé, il a été voir à la porte et a aperçu un homme blanc presque gelé et qui était presque rendu sur le seuil de la mort et Mr. Boudreau l'a attrapé dans ses bras et l'a amené à l'intérieur de la maison et l'a posé en bas du poêle où il s'est aussitôt endormi. Il lui a changé les vêtements mouillés et lui a mis des vêtements secs.
Monsieur Boudreau pensait que cet homme là était une victime d'un naufrage et à la pointe du jour il s'est levé et a contacté ses voisins et ils se sont décidés de faire le tour de l'Isle de Petit de Grat pour voir si il y avait d'autres survivants du naufrage. Ils ont fait le trajet tout autour de l' île mais n'ont vu aucune trace du naufrage, il n'y avait pas même un morceau de bois qui venait d'un navire. Ils sont retournés à la maison, en espérant qu'il soit réveillé.
Madame Boudreau lui avait posé son plat de manger, il a baissé la tête et a dit "gosnet".
Monsieur Boudreau a écrit ça sur une feuille de papier parce qu'il voulait déterminer l'origine de cet homme-ci et d'ousque ça venait. Il a décidé d'aller voir les pères missionnaires qui habitaient à Arichat C'est des pères qui avaient été faire la mission dans des pays étrangers puis avec cette expression là Mr Boudreau pensait que peut-être qu'un des pères missionnaires aura pu identifier le pays ou le lieu d'où ce monsieur-là était venu. Mais apparemment ils ont fait beaucoup d'enquêtes et même les prêtres d'Arichat ont été à l'extérieur voir d'autres prêtres qui avaient été en mission mais personne ne savait vraiment le langage ou l'origine de ct' homme-là. Gosnet s'est pris dès son arrivée chez Boudreau à gagner son avoine comme on dit en bon acadien et il s'est mis à travailler, faire les travaux de grange, hiverner les animaux, couper le bois à feu ; il avait fait un travail énorme. Mais au printemps Monsieur Boudreau lance la chaloupe à l'eau pour faire la première petite pêche et il a demandé à Gosnet de le suivre sur le banc de pêche et Gosnet a catégoriquement refusé et a démontré une frayeur de l'eau et puis une colère incroyable.![]()
Edouard Boudreau qui a eu peur pour la sécurité de sa famille a ordonné Gosnet de quitter l'anse et s'en aller à l'intérieur des terres. Madame Boudreau a préparé quelques morceaux de nourriture et l'a mis dans une sacoche et l'a donné à Gosnet qui est parti. Il y avait un traversier qui était la seule manière de laisser l'île.
Trois jours plus tard Mr Boudreau a demandé au traversier si il avait rencontré ce jeune homme blanc là, et le monsieur lui a répondu qu'il ne l'avait jamais vu...!
Cette histoire est très populaire sur l'Isle Madame : les acadiens se voyaient dans Gosnet car eux aussi avaient été jetés sur les côtes étrangères où ils ne connaissaient personne lors de la tragédie du Grand Dérangement.Gabriel LeBlanc nous a conté oralement cette histoire qui à ce jour n'avait pas encore été écrite.
La sensibilité Acadienne en couleur
Les peintures de Ronald à Gonzague foisonnent de vielles maisons acadiennes et d'anciens villages de pêcheurs.
Par son art, Ronald tenait à mettre en valeur sa culture et le patrimoine de ses ancêtres, pour assurer la survie de son espoir. Il est décédé en 1997 après avoir transmis son style et ses techniques à sept dames de la région .
Pour notre plus grand plaisir, l' œuvre et l'esprit de Gonzague se prolongera longtemps encore a travers les mains de ses élèves à "la Picasse "
Sur l'Isle Madame les noms de famille étant presque tous issus des mêmes ancêtres, il était nécessaire d'utiliser des sobriquets pour distinguer les différents descendants de ces familles.
Pour la famille des Boudreau, il y a les minneaux, les cakes, les tocs, les oiseaux et les madouesses.
Les lignées de Samson portent les sobriquets de catou, mulot et zayouche.
Les Landry sont des saindoux, des zidores, des hilaires ou des tamounes.
Les LeBlanc peuvent être des babs.Ces surnoms viennent d'anecdotes anciennes où les villages acadiens trouvent aussi leur place : par exemple, les gens de Petit de Grat s'appellent des mangeurs d'arêtes.
Parfois, ils représentent un trait de caractère : madouesse signifie hérisson et représentait le caractère susceptible de l'ancêtre .
Exercice : quel est le sobritchais de Yvon Samson qui habite Petit de Grat ?
Réponse : catou, mangeur d'arêtes !
(Lucie, archives de la Picasse)Cuisine d'icite : le fricot de poule et poutine
Couper la poule en morceaux, les faire dorer de tous les côtés dans la matière grasse.
Enlever les morceaux et faire revenir un oignon, ajouter une cuillère de farine, laisser cuire 2 minutes.
Ajouter 12 tasses d'eau , la poule, sel poivre et sarriette.
Laisser cuire une heure et demie, ajouter alors 5 tasses de patates en dés et laisser cuire encore 20 minutes.
Dans un bol mélanger une tasse de farine, une demi cuillère de sel et 2 cuill. de poudre à pâte. Ajouter une demi tasse d'eau froide.
Déposer par cuillerées dans le fricot bouillant et laisser cuire 7 minutes sans ouvrir le couvercle pour obtenir de belles poutines.Mmmmmmmm…Une bouffée d'air pur dans une nature protégée
L'IsleMadame est en soi une invitation à y vivre quelques jours en dehors du temps, de la pollution et du stress. Ses habitants vous accueilleront avec le cœur et vous plongeront dans un bon bain de leur accent Acadien.
Au tourisme traditionnel, le sentier écologique, le projet de conservatoire des plantes médicinales, les plages vierges et les lacs paisibles ajoutent une belle alternative de séjour "santé" physique et morale.
L'île est aussi le paradis des bateaux pour la quantité de ses mouillages sauvages et parfaitement abrités.
Les petites marinas de Descousse et Arichat vous recevront comme "en famille "
D'accord c'est pas le grand beau temps (4 couvertures + chaussettes sont nécessaires pour la nuit !) mais comme on dit il y a tellement d'autres choses ! L'accueil, l'amitié et pas du bout des doigts mais des deux bras : ces gens là aiment leur île et nous le communiquent.
Eh oui : on a mangé le homard chez Yvon, le crabe des neiges avec Debbie, goûté le jus de canneberge à la Picasse, le rhum noir que boivent les acadiens, le délicieux fricot de fruits de mer préparé par Herman, les moules de Gabriel . On a écouté avec plaisir Odilon, Cites nous a gentiment accueillis au club nautique et enfin la chère Janine qui se démène pour que le français subsiste dans une communauté entourée d'anglophones nous a pris par le cœur.
Merci à tous .
Vous voulez que je vous dise : ils sont chouettes les acadiens !
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