Rivière du Loup
12 Juillet 2003
En dehors du temps, nous avons parcouru 9500 km avec pour énergie le souffle du vent et une folle envie de rejoindre 400 ans plus tôt nos illustres prédécesseurs. Pour l'océan c'était hier ; rien n'a changé, Champlain y trouverait les mêmes calmes, les mêmes tempêtes, sans surprise il le vivrait dans l'unique confrontation avec ses propres actes, il le savait, la mer ne s'acharne pas sur lui, elle l'ignore.
A l'heure d'internet et des satellites de télécommunication, nous avons parcouru le Saint-Laurent et, en messagers de la Nouvelle France, avons abordé la bonne ville de Rivière-du-Loup pour y laisser un message d'amitié de la ville de Rochefort (Charente Maritime - France). Messieurs Jean d'Amour et Bernard Grasset, maires des deux villes concernées, ont lancé au cours d'un premier contact téléphonique, l'idée de construire ensemble une relation durable. Nous leur souhaitons à terme un beau et dynamique jumelage transatlantique.
En 1995, Denise Levesque alors mairesse de Rivière-du-Loup a développé l'idée de restaurer le patrimoine bâti et d'adapter les nouvelles constructions à leur environnement historique. Vigoureusement défendu par l'équipe municipale actuelle, ce concept a porté fruit : le cœur de la ville a retrouvé son charme d'antan et, paradoxe, la vitalité de la rue Lafontaine est basée avant tout sur une circulation automobile importante, à quand une rue piétonne ?
De l'autre côté de la rue, juste en face de ma fenêtre, il y a une borne-fontaine habillée de rouge et coiffée de jaune. Elle a l'air bien ordinaire comme ça, avec ses trois bouchons qui lui font comme deux petits bras et un gros nez. Elle paraît fort banale. Mais
je sais, moi, que cette borne-fontaine est habitée par une naïade.
Pour être franc, je ne l'ai jamais vue, ce qui s'appelle vue, de mes yeux vue. Mais la nuit, quand tout est silence, si je colle mon oreille à l'un des petits bras ou sur le gros nez de la borne-fontaine, j'entends chanter la naïade.
C'est un chant bien triste. J'ai fini par comprendre que la petite naïade habitait autrefois une source, quelque
part dans les bois que traverse la rivière du Loup. Un soir, elle a voulu suivre le ruisseau formé par sa source, elle s'est laissée emporter jusqu'à la rivière, qui l'a séduite avec son chant sur les roches et ses reflets de lune lancés en l'air comme des poignées de diamants. La rivière l'a entraînée jusqu'à la ville, elle s'est enfoncée avec elle dans les sombres tunnels de l'aqueduc, et maintenant la naïade est prisonnière de la borne-fontaine.
J'en ai parlé aux hommes de la ville, mais ils m'ont ri au nez. Je ne sais pas que faire. Comment ouvre-t-on une borne-fontaine?
Peut-être que si j'allumais un incendie...
Richard Levesque
Extrait de "Contes et menteries du Bas-du-Fleuve".
Le sympathique journaliste Robert Legendre nous a rapporté l'histoire de l'arrivée mouvementée de son ancêtre Jean Baptiste
Legendre :
"Dans l'espoir de s'implanter en Nouvelle-France, Jean Baptiste s'engage comme matelot sur un voilier en partance. A l'époque on n'avait aucune certitude quant à la durée de la traversée, bien que la moyenne fut de 60 jours, on a souvent vu des traversées prendre jusqu'à 4 mois !
On raconte qu'arrivé à Québec, il n'avait dès le départ aucunement l'envie de faire le voyage retour, il ne tente pas immédiatement de fuir le voilier. Il sait que le terme du voyage est Montréal et décide donc d'attendre un moment plus propice pour disparaître.
Un soir, le capitaine fait jeter l'ancre vis à vis de la rivière Jacques-Cartier à un quart de mille de la rive. Jean Baptiste examine la situation : plutôt dangereuse du coté Nord à cause du fort courrant de la rivière.
Cela semble par contre moins périlleux du coté sud où à une distance d'environ un mille, il y a une falaise et des habitations, c'est Sainte-Croix.
Profitant de la nuit, il se glisse à l'eau et nage vers la rive pour s'y blottir en attendant l'aube. Dès la levée du jour, il escalade la falaise et se dirige vers une habitation où il est accueilli par une vielle femme. Mais la partie n'est pas encore gagnée, le capitaine n'est pas prêt à laisser filer ainsi un matelot : on peut bientôt apercevoir une chaloupe qui se détache du vaisseau et se dirige vers la côte.
Complice, la vielle dame ordonne à l'arrivant de se cacher dans la barrique de lard salé ! Enfin, la marrée montante contraint le capitaine à repartir, abandonnant sa poursuite et laissant ainsi l'heureux fugitif salé mais libre."
"Ma première motivation était de gagner ma vie..." nous dit tout naturellement Roger Dumont. Cette sincérité interpelle : ce
patenteux de toujours vit au milieu d'un joyeux bric à brac allant de la véritable antiquité aux objets dont lui seul connaît l'utilité en passant par ses créations dont chaque pièce est unique.
Il y a une dizaine d'années, à force d'observation, il a vu dans certaines chutes de bois noueux, vielles planches ou branches d'arbre, la matière propice à la création de canards, poules et autres animaux issus de son imagination.
Aux corps sculptés, il ajoute des fourchons de branches en guise de tête, pattes et bec ; réalisée en harmonie avec les formes des nœuds et les lignes du bois, chaque pièce est alors peinte de couleurs chatoyantes par Céline, son épouse. Roger vend alors ses oiseaux sur les marchés aux puces au prix dérisoire de 5 ou 10 $ jusqu'au jour où un directeur de musée lui propose d'exposer ses œuvres...
Classées Art Naïf ses créations sont à ce jour exposées jusqu'à NY et l'on vient de partout pour découvrir le petit monde coloré et vivant de Roger Dumont.
Pierre Landry dit doc. Landry et sa compagne Jocelyne Gaudreau auraient trouvé ce subtil équilibre (dire "ont trouvé" pourrait le leur faire perdre) entre la vie du corps et celle de l'esprit dans leur ferme de Saint-Alexandre.
Régulièrement, leurs mains plongent au contact charnel avec la terre nourricière pour guider la
naissance et l'évolution des plantes et arbustes ornementaux de leur pépinière; d'autres fois, Jocelyne s'exprime à travers sa peinture/sculpture où les mains et les visages ont tant de choses à dire, et Pierre écrit en tant que parolier, romancier et journaliste d'opinion.
"Si nous accordons une place importante aux enjeux régionaux, nous ne nous limitons ni au plan territorial, ni au plan idéologique" souligne Pierre Landry, rédacteur en chef du Mouton Noir, "en environnement comme dans d'autres secteurs, les enjeux nationaux et internationaux peuvent avoir des impacts au plan régional ou local". Quand le gouvernement du Québec annonce des coupes dans les sommes normalement dévolues aux régions, il réagit : "On peut parler d'un manque de vision affligeant, les régions se vident, c'est du moins ce que l'on prétend mais un regard plus attentif permet de déceler d'autres tendances émergentes au sein de la société. Plusieurs jeunes qui ont migré au cours des dernières années vers les villes de Québec ou de Montréal commencent à déchanter et se mettent à rêver de grands espaces, parallèlement de nombreuses personnes dans la force de l'age planifient un retour à la terre. Outre cette volonté de quitter la ville, ces jeunes et ces moins jeunes ont beaucoup en commun, malgré les années qui les séparent. A des strates différentes, ce sont aussi des gens pour qui la qualité de la vie est primordiale ; Ils sont, la plupart du temps créatifs, inventifs. Voyez un peu partout en région ces nouvelles entreprises qui émergent, en marge des cultures traditionnelles. Fromageries, fermes vouées à l'agriculture biologique, élevages hors du commun, restos innovateurs, et la sphère culturelle n'est pas laissée pour compte : festival de toutes sortes, regroupements d'artistes et symposium en tout genre ..."
(Extrait du Mouton Noir de juillet 2003 )
[...]Voici venir les mois d'octobre
Loin du remous des autres chambres
Et dans l'or de ses cheveux blonds
S'éteignent les derniers tisonsVoici venir les mois d'automne
Le glas de l'été qui résonne
Le sang qui fige dans les veines
Mon vieux t'es pas au bout de ta peineQui sera l'autre qui viendra
De quel octobre, de quel karma
Combien de jours, combien de s'maines
Mon dieu quel bon vent vous amèneextrait de "Chansons du cru"
du Docteur Landry
Voici venir bientôt le givre
Du frimas sur son corps de cuivre
Et tu regardes la corde de bois
En calculant le nombr' de moisFais donc plutôt comme la nature
Déshabille-toi de tes bavures
Retrouve le calme et la bonté
Et sois celui qui sait chanter...
Mettre du vert dans son moteur
S. Levesque, ce fut d'abord un petit garage et une station-service, créés par M. Joseph-Sylvio Levesque à Saint-Pascal de Kamouraska en 1927.
Par la suite, l'entreprise relogea ses installations à Rivière-du-Loup pour se spécialiser dans le domaine de la mécanique.
En trois générations, l'entreprise prit un bel essor pour devenir aujourd'hui une référence en matière de vente et réusinage de moteurs diesels.
Cette belle saga ne s'arrête pas là ; non content de faire simplement ronronner les moteurs et son entreprise, monsieur Levesque souhaite innover tout en léguant aux prochaines générations un monde plus propre.
Engagé en tant que stagiaire Simon Nicolas, qui termine ses études d'ingénieur en électromécanique, a entamé sous l'égide de son patron très intéressé, l'étude et les essais d'un moteur utilisant une part d'eau (H2O) pour carburant. Les résultats sont encourageants en terme d'économie et étonnants en terme de dépollution ; un constat encourageant, lui aussi, que la démarche citoyenne de cet industriel.
Peinture et Union Paysanne au doux pays de Kamouraska
Le petit village de Saint-Germain-de-Kamouraska est en effervescence. Un trait de pinceau par-ci, un coup de râteau par-là, on bichonne, on astique : comme chaque année les habitants vont pouvoir faire quelques pas en arrière pour contempler leur "plus beau village" prêt pour la fête.
C'est vers la mi-juillet qu'une centaine de peintres vont, avec leur personnalité propre, figer les paysages et instants de vie dans ce décor unique. Quelques milliers de touristes viendront alors goûter de cette émulation collective et vivre, une semaine durant, le 10è Symposium De Peinture de Saint-Germain-de-Kamouraska.
En marge de cette belle organisation, Roméo Bouchard et son équipe défendent aussi notre santé et l'avenir de nos enfants sur
cette belle planète. En quelques mots, Roméo nous décrit les credos et objectifs de l'Union Paysanne :
"pour une agriculture à dimension humaine et des campagnes vivantes, notre mouvement se veut une alternative au modèle industriel. Nous ne voulons pas revenir en arrière mais prioriser les fermes à taille raisonnable, qui se soucient des effets de leur façon de produire sur la santé des gens et leur environnement, le bien-être des animaux, qui diversifient la production, la transforment et la vendent localement, qui occupent le territoire et partagent la campagne avec tous les citoyens".Loin du corporatisme agricole, le mouvement se veut éclectique :
"Nous on s'est dit dès le départ que les citoyens et les paysans doivent s'unir, à travers la multifonctionalité non seulement environnementale mais aussi sociale et culturelle de la paysannerie".
Avant de quitter le Bas-Saint-Laurent pour la côte Nord on se devait d'aller rencontrer les rares habitants, 30 en hiver, de l'Ile-Verte (c'est son nom !). Mardi 15 juillet, une conférence était annoncée à la bibliothèque de Notre-Dame-des Sept-Douleurs, la "capitale" de l'île ; nous étions au quai public et la perspective d'y rencontrer l'âme insulaire nous réjouissait.
Hasard ou consécration d'une société citoyenne, nous étions à nouveau plongés dans le vert avec le bel exposé de Laure Waridel sur les bienfaits pour tous, du commerce équitable. Une indicible sensation d'appartenir à un monde solidaire et un doux parfum de café équitable ont embaumé cette agréable soirée à l'Ile-Verte.
"Le fleuve Saint Laurent est la colonne vertébrale du Québec, qui s'est organisé sur ses rives" (J.L. Lasserre - écrivain ). Depuis le milieu du 20è siècle la pollution à compromis cette réalité et les riverains ont tourné le dos au fleuve.
Les gros efforts réalisés depuis en matière de dépollution, traitements des eaux usées et normes sévères en matière de rejets industriels, ont permis au fleuve de retrouver sa biodiversité d'origine.
Aujourd'hui les Québécois redécouvrent et se réapproprient leur fleuve ; ils rêvent d'une intégration harmonieuse à ce milieu unique.De nombreux projets vont dans ce sens et souhaitons que bientôt les berges seront plus accessibles par des chemins de randonnées, pistes cyclables, plages, ports abris, points d'interprétations /nature /histoire...
Nous remercions M. le Maire ainsi que Denis son bras droit pour leur accueil. Merci aussi à Richard et ses contes passionnants, Roger "le naïf ", Robert le journaliste atypique, Pierre et Jocelyne les jardiniers de la vie, Denise la dame digne, Roméo le José Bové du Bas St Laurent ainsi qu'Elisabeth et Sylvain sans qui rien n'aurait pu se faire!
La ville de Sept Iles sera notre prochaine escale/reportage - alors cap au Nord !
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